Sommes-nous fautifs?


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        « Je te défends de parler ce sale dialecte » dit la Demoiselle à l'élève qui a eu le malheur de s'exprimer dans sa langue coutumière. Notre bon alsacien serait-il une sale langue ? Qui donc a le droit de le reléguer à l'étable auprès des vaches et des cochons ? Dans toute langue, le mot « mère » est empreint de beauté et de profondeur. Qui dit à sa bien-aimée « ich hab dich so gäre » exprime autant d'amour véritable que s'il le disait dans la langue de Molière. Nos pères et nos grands-pères, tous ceux à qui nous devons notre existence, ont exprimé leurs joies et leurs peines en alsacien avec la même beauté et la même pureté que dans toute autre langue. Certes notre dialecte diffère du français, mais il a le même droit à l'existence. Personne n'a le droit de rabaisser une langue ; sinon il salit son propre parler et peut-être son propre nid.

Dans certaines de nos écoles, pendant la récréation, les écoliers sont appelés à surveiller qui d'entre eux parle le dialecte. Celui qui est pris sur le fait, se voit confier quelque objet qu'il doit veiller à passer à un autre fautif, s'il ne veut encourir une punition à la fin de la récréation. Veut-on, dès l'enfance, incul­quer un complexe de culpabilité à nos enfants lorsqu'ils s'expriment dans leur langue maternelle ? Les parents seraient-ils fautifs lorsqu'ils parlent à leurs en­fants la langue qu'ils ont apprise eux-mêmes ? Non et non !
Il y a des Français dont la langue maternelle est le basque ou le breton. Ils n'en sont pas moins Français. Certes nous voulons posséder à fond le parler officiel du pays, mais en même temps nous voulons rendre honneur à notre langue maternelle et nous entendons qu'elle soit respectée. Nous voulons parler l'al­sacien à nos enfants, nous voulons l'apprendre à nos petits-enfants. Si le Créateur et l'histoire de notre terroir alsacien nous ont donné notre mode d'expression, il est un dépôt sacré et nous sommes en droit d'attendre qu'il soit respecté.
Comme l'inviolabilité de la personne humaine, celle de sa langue fait partie des Droits fondamentaux de l'Homme. C'est là affaire d'honneur dans toute démocratie ; sinon nous approchons de la dictature.
 
                             Pasteur D. Barth,
                             Oberhoffen-s./M.

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